Le format papier DIN A4

Vous êtes-vous déjà demandé à quoi correspondait le format d’une feuille A4 ? Elsa Clairon nous l’explique. Attention, cette histoire franco-allemande réclame un peu de concentration, vous êtes prêt ?

Bon, voici une feuille de papier, une feuille toute simple. Vous en connaissez le format, on appelle ça une feuille A4, DIN A4 en allemand.

Tiens, à propos, DIN, vous savez ce que ça veut dire ? DIN, ce sont les initiales de Deutsches Institut für Normung, l’Institut de normalisation allemand.

Revenons à notre feuille de papier. Elle mesure donc exactement 21 centimètres de largeur et 29,7 centimètres de hauteur. Ce format a une particularité: quand vous pliez ce rectangle en deux dans le sens de la hauteur, vous obtenez 2 petits rectangles. Eh bien, le rapport de la hauteur à la largeur est le même pour le petit et le grand rectangle, autrement dit, ils ont les mêmes proportions.

Vous voyez ? Si on part du format AO, par pliage successifs, on passe à A1, A2, A3, A4, A5 etc. Cela est très utile pour beaucoup de choses. D’abord, ça simplifie la fabrication des différents formats. Ensuite, le fait d’obtenir chaque nouveau format simplement en
découpant le précédent évite tout gaspillage de papier lors de la fabrication, et permet d’économiser de la place pour stocker le papier. Enfin, ça permet à nos photocopieuses de réduire ou d’agrandir un document tout en respectant ses proportions.

Evidemment, il y a une formule mathématique qui permet de calculer le bon rapport entre les dimensions du rectangle. Le voici pour les amateurs de mathématiques, les autres voudront bien nous pardonner quelques instants : si h est la hauteur et l la largeur d’une feuille, alors les dimensions de cette feuille pliée  en deux sont de l et h sur 2. Vous suivez ? Bon, pour que les rapports soient les mêmes, il faut donc que h sur l soit égal à l sur (h sur 2), ce qui donne que h sur l au carré est égal à 2. Vous suivez toujours ? Bravo ! Le rapport de la hauteur à la largeur de notre feuille de départ doit donc être égal à la racine carrée de 2. Voilà.

Bon, figurez-vous que l’histoire de ce format DIN A 4 est un jeu de va et vient entre la France et l’Allemagne.

C est le grand penseur et scientifique allemand Georg Christoph Lichtenberg qui, le premier, mentionne les particularités de ce format dans une lettre du 25 octobre 1786. En fait, le format existe déjà, puisque la feuille de papier sur laquelle il écrit possède justement ce rapport, mais il s’interroge sur l’origine de ce format : s’agit-il là d’un choix conscient du fabricant ?

C’est en France que l’histoire continue : car, aux lendemains de la Révolution française, on va chercher à tout prix à légaliser ce type de format. En effet, dorénavant, un impôt est levé sur la propriété foncière. Il faut donc établir un cadastre, c’est un projet de grande envergure qui demande un vaste effort de rationalisation et d’uniformisation. Le député de la Seine et Marne, Jean-Baptiste-Moïse Jollivet, expose le 21 août 1792 à l’ Assemblée nationale législative les raisons qui justifient le recours à ce type de format.

Quelle doit être la proportion entre les 2 dimensions du papier, la hauteur et la largeur ? demande le député. Après avoir exposé pourquoi « un long usage a proscrit la forme entièrement carrée », il explique que, sous Louis XIV où une première normalisation des formats avait été entamée, le résultat n’était pas satisfaisant « parce que citation le ministère ou ses agents n’ont fait qu’approcher du principe sans l’avoir saisi ».

Après moult atermoiements, la loi est enfin promulguée le 13 brumaire de l’an VII de la République, autrement dit le 3 novembre 1798. Le format « grand registre » est désormais défini comme l’équivalent de notre format A2, le « moyen papier » comme le format A3, les « grand papier », « petit papier » et « demi-feuille » correspondent aux formats B3, B4, et B5. Toutefois, emportées par l’Histoire, ces normes ne seront jamais appliquées et rapidement oubliées.

C’est en Allemagne que va ressurgir l’idée de cette norme, d’abord au XIXe siècle chez le chimiste Wilhelm Ostwald, puis au début du XXe sous l’impulsion de l’ingénieur berlinois Walter Porstmann. Les débats débouchent en 1922 sur l’adoption de la norme DIN 476 qui définit très exactement le format A0, un rectangle de 1m2 de superficie et dont le rapport de la hauteur à la largeur est de √2.

Depuis, la norme allemande a été reprise un peu partout dans le monde. En France, après l expérience sans lendemain de la révolution, la norme a été réintroduite en 1967. Et depuis 1975, ce format est devenu une norme internationale qui porte le numéro ISO 216.

Voilà de quoi réjouir Lichtenberg qui, il y a plus de 2 siècles, écrivait cet aphorisme dont il ne se doutait pas qu’il s appliquerait si bien à lui-même : « Efforce-toi de ne pas être de ton temps ».

Capture d_écran 2018-03-19 à 17.16.39

 

Laisser un commentaire